Il y a quelques jours, un certain Kevin visitait la Mycoboutique avec une amie. Entre autres achats, il a apporté à la caisse un livre captivant : How to Change Your Mind, dans lequel Michael Pollan explique comment des hallucinogènes, la psilocybine en particulier, sont utilisées aujourd’hui pour soigner de nombreux cas de détresse psychologique. La psilocybine est présente dans nombre d’espèces de champignons, les champignons «magiques» qui ont été consommés de façon rituelle depuis des millénaires. Le visiteur a candidement précisé qu’il avait été toxicomane et que, depuis trois mois, il s’était libéré de cette dépendance en prenant régulièrement des microdoses de psilocybine. «Chaque matin, je me réveille maussade, mais je retrouve mon entrain aussitôt ma capsule avalée», a-t-il dit.
Le 1er novembre 2019, à l’Université McGill, deux psychologues, Ingmar Gorman et Elizabeth Nielson, et Simon Amar, un psychiatre, nous ont entretenu sur l’évolution des thérapies reposant sur le mdma (l’ecstasy) et la psilocybine. À la différence de la psilocybine, le mdma n’est pas un hallucinogène et son action touche d’autres parties et d’autres voies du cerveau, mais semble donner des effets similaires chez leurs patients.
Le potentiel thérapeutique de ces substances est étudié depuis des années. Ces substances ont été refoulées dans l’illégalité en 1985 aux É.-U., à la suite de quoi a été formé le MAPS (Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies) qui soutient une recherche dorénavant strictement encadrée. En 2002, une première publication a fait état de résultats encourageants avec des sujets souffrant du syndrome de stress post-traumatique. Les résultats positifs se sont accumulés avec des sujets atteints de divers troubles psychologiques, au point qu’en 2018, l’approche a été élevée au rang de percée majeure (Breakthrough Therapy) par la Food and Drug Administration des É.-U.
Dans le cadre de la nouvelle approche, les traitements sont de courtes durées, réalisés sous la supervision étroite de psychothérapeutes. Les comportements visés semblent partager un caractère répétitif. On parviendrait ainsi à rompre durablement le cercle vicieux qui caractérise dépression, anxiété, trouble obsessif compulsif, dépendance à l’alcool et aux drogues, des conditions contre lesquels des neuroleptiques aux effets secondaires indésirables sont souvent prescrits. Schizophrénie et troubles bipolaires ne sont pas ciblés.
Les chercheurs anticipent la légalisation de ces drogues aux E.U, à des fins médicales d’ici trois ans. Des réserves s’imposent encore cependant puisque, malgré des résultats encourageants, les mécanismes ne sont pas élucidés. La supervision de professionnels et un environnement contrôlé seront requis pour un avenir prévisible.
Kevin mesure-t-il le risque qu’il court en prenant sans supervision des microdoses achetées en ligne ?