Les champignons peuvent-ils décontaminer les sols ?
Les champignons peuvent-ils décontaminer les sols ?
Les champignons, les bactéries et les plantes décomposent leur environnement
Hydrocarbures
Les champignons ont la particularité de pouvoir décomposer la lignine, le composant qui donne aux arbres leur rigidité, tout en dégradant les hydrocarbures, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les biphényles polychlorés et les pesticides en molécules inoffensives (Adenipekun & Lawal, 2012).
Inoculation
L'inoculation de mycélium dans un sol ciblé est la méthode la plus largement médiatisée. Depuis des années, Paul Stamets prêche la mycoremédiation dans des livres comme "Mycelium Running" ou des conférences comme "The Future is Fungi" sur Youtube. Il a démontré avec quelle rapidité des pleurotes (Pleurotus ostreatus) sur un substrat cellulosique peuvent nettoyer une nappe de pétrole sur laquelle ils reposent. Ce comestible populaire est ainsi devenu l'emblème des brise-huile.
De nombreuses espèces, armées d'enzymes lignine peroxydases, présentent la même capacité : parmi elles, les shiitakés omniprésents, les champignons de Paris, les queues de dinde et d'autres champignons moins connus mais plus efficaces.
Il y a bien sûr quelques contraintes. Il faut faire pousser les champignons sur de la matière lignocellulosique, source naturelle d'énergie pour ces espèces, avant de s'attaquer aux substances apparentées. Les champignons ayant besoin de respirer comme les humains, leur rayon d'action peut être restreint aux premiers centimètres oxygénés. Plus leur chaîne cyclique est longue, plus les HAP sont récalcitrants et plus le processus est long. Les "métaux lourds" restent intacts même s'ils sont éliminés par les champignons : ils sont simplement concentrés dans leur chair. D'où la recommandation habituelle aux cueilleurs : éviter de cueillir des champignons à proximité d'anciennes mines, de routes pavées, de décharges, tous les sites où peuvent se cacher du plomb, de l'arsenic, du nickel, du mercure. Enfin, l'efficacité varie selon les espèces, les sites et les contaminants eux-mêmes : il convient de choisir l'espèce adéquate pour chaque tâche spécifique.
Biostimulation
La biostimulation repose sur l'action naturelle de microorganismes indigènes. C'est l'une des méthodes mises en œuvre à Lac-Mégantic, où un déraillement est survenu le 6 juillet 2013, tuant 47 personnes et déversant 6 000 tonnes de pétrole. Le programme de décontamination comprend un projet de biostimulation. Le projet consiste à activer les bactéries, les actinomycètes et les champignons déjà présents dans le sol en améliorant les conditions de croissance (oxygène, nutriments, humidité, acidité, ...).
Les microorganismes impliqués n'ont pas été spécifiquement identifiés localement et leur rôle respectif n'a pas été déterminé. La combinaison sera différente d'un site à l'autre en fonction de la matière organique et du pH du sol.
Une solution alternative, la séparation thermique ex-situ, ne nécessite pas de champignons mais consomme beaucoup plus d'énergie. La biostimulation a l'avantage d'être moins coûteuse, sans émissions importantes de gaz. Cependant, elle fonctionne lentement et nécessite des terrains de stockage. Les terrains récupérés, bien que suffisamment propres pour la plupart des utilisations, ne seront pas complètement exempts de HAP à longue chaîne et de « métaux lourds ».
Phytoremédiation assistée
Il est connu que ce sont les plantes plutôt que les champignons qui décontaminent les sols. Les résultats obtenus par phytoremédiation pourraient être améliorés en exploitant la symbiose qui lie les champignons aux plantes. Dimitri Dagher, de l'IRBV à Montréal, expérimente un saule, Salix purpurea, lié à de telles espèces mycorhiziennes. Les champignons sont relégués à un rôle de soutien : accélérer la croissance de la végétation, les saules ayant le rôle principal.
L'accumulation de « métaux lourds » dans les champignons peut parfois être utile. Elle permet de collecter des substances indésirables et éventuellement de les éliminer ailleurs. Plusieurs espèces accumulent des métaux lourds et d'autres substances nocives. Une espèce en particulier, Gomphibius glutinosus, semble bénéficier des retombées de Tchernobyl : elle devient radioactive tout en contribuant à nettoyer le sol.
Radioactivité
Dans le même esprit, en 1991 à Tchernobyl, la découverte de moisissures noires recouvrant les parois de la centrale nucléaire a suscité un certain émoi : l'explication la plus répandue est que la mélanine contenue dans certains champignons joue un rôle similaire à celui de la chlorophylle des plantes en transformant les rayons gamma en énergie chimique. Pas pour les cueilleurs.
Cyanobactéries
En général, les champignons se nourrissent de bactéries et sécrètent autour d'elles des métabolites antibactériens. La mycofiltration consiste à filtrer les bactéries et autres substances indésirables d'un cours d'eau. La technique la plus simple consiste à remplir des sacs de jute avec de la paille et de la sciure inoculées de mycélium. Déposés en travers d'un cours d'eau à faible débit, les sacs forment une barrière qui filtre l'eau. Le mycélium capte E. coli, phosphate, nitrite et autres nutriments pour les cyanobactéries en aval. Les Stropharia rugoso-annulata ont donné des résultats intéressants.
Conclusion
Dans de nombreux cas, la démonstration que les champignons peuvent assainir l'environnement est convaincante. Jusqu'à présent, les résultats ont surtout été obtenus dans le cadre de projets pilotes et d'expériences en laboratoire. Les espèces et les souches se comptent par millions, la plupart encore anonymes
(Vous pouvez les télécharger. Vous trouverez des livres sur ce sujet à la Mycoboutique)
Hydrocarbures
Les champignons ont la particularité de pouvoir décomposer la lignine, le composant qui donne aux arbres leur rigidité, tout en dégradant les hydrocarbures, les hydrocarbures aromatiques polycycliques, les biphényles polychlorés et les pesticides en molécules inoffensives (Adenipekun & Lawal, 2012).
Inoculation
L'inoculation de mycélium dans un sol ciblé est la méthode la plus largement médiatisée. Depuis des années, Paul Stamets prêche la mycoremédiation dans des livres comme "Mycelium Running" ou des conférences comme "The Future is Fungi" sur Youtube. Il a démontré avec quelle rapidité des pleurotes (Pleurotus ostreatus) sur un substrat cellulosique peuvent nettoyer une nappe de pétrole sur laquelle ils reposent. Ce comestible populaire est ainsi devenu l'emblème des brise-huile.
De nombreuses espèces, armées d'enzymes lignine peroxydases, présentent la même capacité : parmi elles, les shiitakés omniprésents, les champignons de Paris, les queues de dinde et d'autres champignons moins connus mais plus efficaces.
Il y a bien sûr quelques contraintes. Il faut faire pousser les champignons sur de la matière lignocellulosique, source naturelle d'énergie pour ces espèces, avant de s'attaquer aux substances apparentées. Les champignons ayant besoin de respirer comme les humains, leur rayon d'action peut être restreint aux premiers centimètres oxygénés. Plus leur chaîne cyclique est longue, plus les HAP sont récalcitrants et plus le processus est long. Les "métaux lourds" restent intacts même s'ils sont éliminés par les champignons : ils sont simplement concentrés dans leur chair. D'où la recommandation habituelle aux cueilleurs : éviter de cueillir des champignons à proximité d'anciennes mines, de routes pavées, de décharges, tous les sites où peuvent se cacher du plomb, de l'arsenic, du nickel, du mercure. Enfin, l'efficacité varie selon les espèces, les sites et les contaminants eux-mêmes : il convient de choisir l'espèce adéquate pour chaque tâche spécifique.
Biostimulation
La biostimulation repose sur l'action naturelle de microorganismes indigènes. C'est l'une des méthodes mises en œuvre à Lac-Mégantic, où un déraillement est survenu le 6 juillet 2013, tuant 47 personnes et déversant 6 000 tonnes de pétrole. Le programme de décontamination comprend un projet de biostimulation. Le projet consiste à activer les bactéries, les actinomycètes et les champignons déjà présents dans le sol en améliorant les conditions de croissance (oxygène, nutriments, humidité, acidité, ...).
Les microorganismes impliqués n'ont pas été spécifiquement identifiés localement et leur rôle respectif n'a pas été déterminé. La combinaison sera différente d'un site à l'autre en fonction de la matière organique et du pH du sol.
Une solution alternative, la séparation thermique ex-situ, ne nécessite pas de champignons mais consomme beaucoup plus d'énergie. La biostimulation a l'avantage d'être moins coûteuse, sans émissions importantes de gaz. Cependant, elle fonctionne lentement et nécessite des terrains de stockage. Les terrains récupérés, bien que suffisamment propres pour la plupart des utilisations, ne seront pas complètement exempts de HAP à longue chaîne et de « métaux lourds ».
Phytoremédiation assistée
Il est connu que ce sont les plantes plutôt que les champignons qui décontaminent les sols. Les résultats obtenus par phytoremédiation pourraient être améliorés en exploitant la symbiose qui lie les champignons aux plantes. Dimitri Dagher, de l'IRBV à Montréal, expérimente un saule, Salix purpurea, lié à de telles espèces mycorhiziennes. Les champignons sont relégués à un rôle de soutien : accélérer la croissance de la végétation, les saules ayant le rôle principal.
L'accumulation de « métaux lourds » dans les champignons peut parfois être utile. Elle permet de collecter des substances indésirables et éventuellement de les éliminer ailleurs. Plusieurs espèces accumulent des métaux lourds et d'autres substances nocives. Une espèce en particulier, Gomphibius glutinosus, semble bénéficier des retombées de Tchernobyl : elle devient radioactive tout en contribuant à nettoyer le sol.
Radioactivité
Dans le même esprit, en 1991 à Tchernobyl, la découverte de moisissures noires recouvrant les parois de la centrale nucléaire a suscité un certain émoi : l'explication la plus répandue est que la mélanine contenue dans certains champignons joue un rôle similaire à celui de la chlorophylle des plantes en transformant les rayons gamma en énergie chimique. Pas pour les cueilleurs.
Cyanobactéries
En général, les champignons se nourrissent de bactéries et sécrètent autour d'elles des métabolites antibactériens. La mycofiltration consiste à filtrer les bactéries et autres substances indésirables d'un cours d'eau. La technique la plus simple consiste à remplir des sacs de jute avec de la paille et de la sciure inoculées de mycélium. Déposés en travers d'un cours d'eau à faible débit, les sacs forment une barrière qui filtre l'eau. Le mycélium capte E. coli, phosphate, nitrite et autres nutriments pour les cyanobactéries en aval. Les Stropharia rugoso-annulata ont donné des résultats intéressants.
Conclusion
Dans de nombreux cas, la démonstration que les champignons peuvent assainir l'environnement est convaincante. Jusqu'à présent, les résultats ont surtout été obtenus dans le cadre de projets pilotes et d'expériences en laboratoire. Les espèces et les souches se comptent par millions, la plupart encore anonymes
(Vous pouvez les télécharger. Vous trouverez des livres sur ce sujet à la Mycoboutique)